L'Art syncrétique de Josep Escarrant
Josep Escarrant (JS40) absorbe les influences culturelles et picturales qui l’entourent depuis son plus jeune âge. Au cours de nombreux voyages, il a développé une conscience politique affirmée qu'il continue d'aiguiser à ce jour. Après un détour par la Central Saint Martins School of Arts à Londres et une période de travail dans l'industrie cinématographique en France et dans les Caraïbes, Josep Escarrant commence à produire des œuvres de Street art.
Sa pratique prend alors une forme d’Art syncrétique, un syncrétisme de collage, inspiré par le graffiti, les vévés haïtiens, les pictogrammes cubains oubliés, les symboles secrets et les superstitions du monde entier. Le syncrétisme, terme à l’origine religieux et philosophique, est la synthèse de deux ou plusieurs traits culturels d’origines différentes, donnant lieu à des formes culturelles nouvelles. Aujourd’hui on parlerait de métissage, de sampling, mais ce concept trouve également un écho au mouvement Appropriationniste fondé à New-York par Sherrie Levine en 1977.
C’est aussi une façon primitive de voir le monde pour l’artiste qui pratique une appréhension globale et indifférenciée du monde extérieur par juxtaposition. JS40 inscrit sa pratique syncrétique dans la haute tradition d’un espace symbolique qui se nourrit en permanence de lectures et de voyages (géographiques et imaginaires). Il crée ainsi des associations nouvelles composées d’éléments de nature différente, voire disparates, mais elles sont sur le plan plastique traitées avec une même approche stylistique et une grande rigueur technique.
Aujourd’hui nous avons eu la chance de rencontrer l’artiste dans son atelier du sud de la France.
Josep Escarrant, pouvez-vous nous donner quelques éléments biographiques ?
Sans aller jusqu’à garder un anonymat aussi complet qu’un artiste comme Banksy, je ne souhaite pas m’étendre sur ma vie personnelle et je préfère que les gens se concentrent sur mon travail. Mais je peux vous dire que je suis né au Mexique et que j’ai beaucoup voyagé au cours de ma vie, ces éléments pouvant expliquer les influences que l’on retrouve dans mon travail. Je peux aussi dire que, bien que je sois largement autodidacte, j’ai eu l’occasion d’étudier un an à l’École Central Saint Martins de Londres, une expérience dont je garde un très bon souvenir. Pour finir sur mon désir d’anonymat, je peux ajouter que mon nom de famille, Escarrant, veut dire bandit en Occitan et Catalan et, comme vous le savez, tous les bons bandits travaillent masqués.
Quels sont les sources d’inspiration de votre travail ?
Je m’inspire principalement des symboles que les humains de tous les continents ont produits à travers l’histoire afin d’avoir une influence sur l’environnement qui les entoure. Je suis fasciné par l’idée que les images peuvent avoir une incidence sur la réalité, comme ces chamans de la préhistoire qui « appelaient » les animaux qu’ils peignaient sur les parois des grottes ornées. La culture populaire produit, détourne, réinterprète des symboles depuis toujours, et cette utilisation de l’image me fascine. La pratique du tatouage, le graffiti, les ex-votos, les vévés, l’art non-occidental presque dans sa totalité ont pour moi en commun de vouloir non pas décrire le monde mais agir sur lui.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Par exemple, la trilogie des mots FUERTE SUERTE MUERTE, qui revient souvent dans mon travail, doit être comprise comme une formule permettant de résumer notre existence humaine, une formule magique au sens antique d’abracadabra, une formule qui en d’autres temps aurait été gravée sur une amulette ou répétée comme un mantra. Un autre exemple, les détournements de statues et masques africains ou précolombiens que je grave avec des symboles venant d’autres cultures afin de créer un syncrétisme inédit.
Quels sont les artistes dont vous appréciez le travail ?
Au-delà de tous les créateurs anonymes dont je vous ai parlé, quelques-uns des artistes qui m’ont le plus marqué sont sans doute le peintre néerlandais Kees Van Dongen, le graveur mexicain José Guadalupe Posada, et Banksy dont j’ai découvert le travail sur les murs de Londres en 2004.
Que pouvez-vous nous dire des techniques que vous utilisez ?
Les techniques que j’utilise ont largement étaient influencées par le matériel propre au graffiti. Je travaille sur papier et sur toile. J’ai commencé par travailler sur du carton ramassé dans la rue mais ce support vieillit assez mal bien que ce soit encore mon préféré. Depuis un moment je travaille aussi la linogravure avec beaucoup de plaisir. Cette technique me permet d’imprimer des images depuis chez moi avec un rendu intéressant puisque, sur une série de 10 diptyques par exemple, chaque impression reste unique dans son rendu final.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
De nombreux sujets restent à traiter ! Le tarot de Marseille, le Yi King ou Livre des transformations, les portraits Nawal inspirés de l’astrologie Maya sont autant de sources d’inspiration que je souhaite explorer. Du point de vue technique, je fais en ce moment des essais avec la terre cuite, le bois et le papier mâché.